Le petit Journal du Vieux quartier Saint-Christoly de Bordeaux 6

 

SAINT-CHRISTOLY, LE PLUS VIEUX QUARTIER DE BORDEAUX

Les rues du Quartier Saint-Christoly

 

Au cœur du vieux quartier Saint-Christoly

 

Le Couvent et la Pharmacie des Carmes

 

Passants, touristes, amis, vous êtes ici au cœur de Bordeaux, là où la ville est née.

 

 

 

Le Couvent et la rue des Petits Carmes.

 

 

 

Le jeu de paume dans lequel Molière a (peut être - ou en face duquel il a) joué fut acquis par les carmes déchaussés, dits petits carmes et sur son emplacement, ces religieux firent bâtir leur église en 1672. Ils durent obtenir l'autorisation des chapitres Saint-André et Saint-Seurin qui leur fut accor­dée moyennant une redevance annuelle et perpétuelle d'« une chandelle de cire blanche du poids de 2 livres 1/2 payée alternativement à l'un des chapitres». Un religieux de ce couvent, Martial de Saint-Jean-Baptiste, a publié en 1730 la Biblio­theca scriptorum utrius que congregationis et sexus carma­litarum ex-caiceotorum.

 

Le couvent des Petits-Carmes de Saint-Christoly sem­ble n'avoir été qu'une filiale du grand couvent des Carmes des Chartrons. Il était situé sur l'emplacement de la rue Père-Louis-de-Jabrun actuelle (ex-rue Gouvion), avec une issue sur la grande rue Saint-André (des Trois-Conils).

 

 

Où était-il ?

 

 

 

Jean-Baptiste de Secondat de Montesquieu, président au parlement et oncle de l'auteur de L'Esprit des lois qu'il avait institué son héritier universel, fut enterré dans la chapelle de ce couvent le 27 avril 1716.

 

Il ne reste plus rien du couvent des Petits-Carmes, si ce n'est une fontaine, la « Fontaine Gouvion », que l'on attribue communément aux sculpteurs qui travaillaient au même moment pour le cardinal François de Sourdis, archevêque de Bordeaux, qui présente deux pilastres encadrant une niche et soutenant une décoration Renaissance

 

Cette fontaine, dont l'origine n'a pu être déterminée de façon précise à ce jour, semble dater du début du XVème siècle. Mais le souvenir bien vivant de l'apothicaire des Carmes est parvenu jusqu'à nous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La « Fontaine Gouvion »

 

Le mortier de Frère Placide, l'apothicaire des Petits-Carmes

 

Comme dans tous les couvents, les religieux tenaient une apothicairerie qui  préparait pommades, élixirs et autres potions et dispensait ses jus d'herbes à l'usage des religieux. Aux Petits-Carmes, le Frère Catinot, en religion Frère Placide de la Circoncision, régnait avec compétence sur les casseroles et les pilons de la communauté, dont il savait prodiguer les bienfaits aux paroissiens bien introduits…Et aux autres.

 

 

 

 

En 1790, on trouve aux Archives du département la trace d'une requête aux administrateurs du Département, exposant les services rendus par l'apothicairerie des Carmes Déchaux, qui livre les remèdes aux pauvres à vil prix et demandent que le frère Placide reste l'apothicaire des pauvres.

 

   Mortier de marbre provenant du Couvent des Carmes-Déchaussés à Saint-Christoly.

 

C'est sans doute grâce à cela, que Frère Placide, redevenu dans le civil, Pierre Catinot, eut le droit de traverser la rue, pour y installer son apothicairerie, le 12 septembre 1792, au coin des rues Margaux et Castillon. Elle est devenue la « Pharmacie des Carmes ». Sans doute avait-il existé des boutiques d'apothicaires civiles plus anciennes, mais il s'agit bien là,  dans sa continuité depuis 1672, de la plus vieille pharmacie de la ville.

 

L’apothicairerie de Frère Placide

 

Où était-elle ?

 

 

 

Le souvenir de "Frère Placide" se perpétue aussi avec le mortier de bronze, transporté depuis l'apothicairerie des Carmes jusqu'à la pharmacie. Sur le pourtour supérieur du mortier, on peut lire l'inscription : TURMEAU FALT A BORDEAUX L'AN MDCCLXXX1V. Le nom de l'apothicaire semble enlevé au ciseau. « Les anses représentent des têtes de chiens », au milieu se trouve le blason des Carmes. Il fut réalisé, en 1784, par Turmeau, celui-là même qui fondit la Grosse Cloche.



 

 

 

 

 

 

La pharmacie sera cédée par "Frère Placide", devenu le pharmacien Pierre Catinot, à Bertrand Léon Magonty, le 17 mai 1805 avant de parvenir à la famille Servantie. Ainsi le Mortier de bronze provenant de l'apothicairerie des Petits-Carmes après avoir été placé dans la cour de l'immeuble familial, au 28, rue Castillon, a-t-il été offert à là Ville de Bordeaux, en 1959, pour rejoindre le Musée des Arts décoratifs.

La pharmacie, qui appartient aujourd'hui au Docteur Catherine Rullier, est toujours à son emplacement originel depuis plus de deux siècles à l’angle de la rue Castillon et de la rue Margaux.

 

 

 

 

Mortier de bronze provenant de l'apothicairerie
des Petits-Carmes. Il servit à la préparation de l’Eau de Mélisse durant de nombreuses années. Musée des Arts décoratifs. Bordeaux.

 

 

 

L’architecture extérieure de la pharmacie est marquée par la présence de deux vases taillés dans la pierre, servant autrefois d’enseigne.

À l’intérieur, certains éléments datent encore de l’époque originelle de l’officine comme les boiseries de style Directoire ainsi que le baromètre, datés tous les deux de la fin du XVIIIe.

 

L’eau de mélisse des Carmes

 

C'est l’eau de mélisse plus connue sous le nom d’ «eau des Carmes », qui fit la réputation de cette officine durant de nombreuses années. Comme l'essence de vipères des Capucins ou l'eau de bleuet des Oratoriens, l'eau de mélisse des Carmes est une invention de religieux.

 

L’origine de cette préparation alcoolisée à base de mélisse, reste floue (cosmétique italien ou remède druidique). Elle stimule le fonctionnement du cœur, est utilisé contre les migraines, le stress et la fatigue etc. Q Paris, elle était préparée par les Carmes de la Rue Vaugirard, mais la formule du moine-apothicaire de Bordeaux était différente. Il cultivait ses plantes médicinales dans le jardin du couvent et les distillait ensuite.

 

 

 Façade de la pharmacie des Carmes. Vase taillé dans la pierre datant de la Restauration.

 

 

 

 

 

On disait à l'époque que le frère Placide distillait davantage d’eau que tous les Carmes ensemble ne buvaient de vin. L’eau de mélisse qu’il vendait jusqu’en Angleterre fit sa réputation. Les archives municipales de Bordeaux conservent un spécimen d’une publicité de l’époque, qui vantait les innombrables vertus de cette eau souveraine, spécialement agissante « contre l’apoplexie et les vapeurs ». L’imprimé précise « que la seule véritable eau de mélisse, qui est de la qualité et de la composition de l’auteur, se trouvera aux Carmes déchaussés, à Bordeaux, et non ailleurs. »

 

Par la suite, la formule en fut transmise de pharmacien en pharmacien dans le plus grand secret et ceci jusqu'à la mort de Xavier Servantie qui avait le monopole de l'incomparable "Eau véritable des Carmes". Son successeur et gendre, René Guyot, fut le dernier préparateur de l'Eau des Carmes de Bordeaux. La petite histoire prétendait que sa femme était seule à en connaître la formule exacte et que c'est elle qui en parachevait la préparation.

Le jardin de "Frère Placide" au Couvent des Petits-carmes dans le quartier Saint-Christoly sur le plan géométral de Bordeaux.

Détail du plan de Lattré, réalisé en faïence à Nantes en 1756.

 

 

Flacon gravé dans le verre de l'"Eau Véritable des Carmes" de Xavier Servantie, titulaire de l'officine de 1882 à 1902, avec une étiquette portant le blason des carmes.(Revue d'histoire de la pharmacie,  1990 ).

 

La fameuse eau des Carmes préparée selon la recette mystérieuse de Frère Placide, mariant les plantes poussée dans la terre de la paroisse Saint-Christoly, devait continuer d'apaiser sans relâche les maux des bordelaises et des bordelais jusqu'au XXème siècle.

 

A suivre …

 

Et tout cela n'est qu'un résumé. Nous aimerions tant vous en dire plus, vous donner des références plus précises. Mais cette évocation sommaire vous donnera surement envie d'en savoir plus sur le Vieux quartier Saint-Christoly de Bordeaux

 

 

 

Et pour en savoir plus :

 JULLIAN (C.), Histoire de Bordeaux, depuis les origines jusqu'en 1895.

ADG PAROISSE DE SAINT-CHRISTOLY DE BORDEAUX. G. 2376 à 2422.

Emile CHEYLUD, Histoire de la Corporation des Apothicaires de Bordeaux (Bordeaux, Albert Mollat, 1897

G. DEVAUX Conditionnements anciens de l'Eau de Mélisse des Carmes de Bordeaux, Revue d'histoire de la pharmacie,  1990 Volume 78

SERVANTIE, Louis De frère Placide, carme déchaux, à Pierre Catinot, pharmacien : ou la pharmacie à Bordeaux sous la Révolution.F.Q.A 1965

SERVANTIE, Louis La pharmacie à Bordeaux (1790-1804), frère Placide, petit carme déchaux Chez l'auteur 1965.

RECHE Albert -Mille ans de médecine et de Pharmacie Bordeaux, Mollat, Bordeaux, 1980. Frédéric RENOU Histoire de la Pharmacie des Carmes à Bordeaux de sa création à la disparition de sa préparation la plus célèbre; l'eau de mélisse ; (Thèse dirigée par Catherine Chèze)

 

A suivre prochains numéros :

7. La Rue et la Chapelle du Temple

8. Saint-Christoly au XIXème siècle etc

 

Saint-Christoly est au cœur de notre histoire.

C’est là que la ville de Bordeaux a été fondée.

L’antique quartier Saint-Christoly est le plus vieux quartier de Bordeaux.

Il doit conserver son nom.

SIGNEZ LA PETITION :

ENSEMBLE SAUVONS LA PLACE SAINT-CHRISTOLY.

 

 © Bertrand Favreau2011